PWidling-Photography
| NEPAL 2009 | - Journal de voyage         English              Photos:  Katmandu & sa vallée
                                                                                                                                                             Trek mt Everest
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| Nepal - Camp de base du mont Everest - Préparatifs |

11 Mars, 2009 …
Nous voila maintenant à exactement deux semaines de notre départ pour le Népal. Avec ce voyage nous célèbrons mon 50ème anniversaire, et notre 25ème anniversaire de mariage.

Il faisait -27C la nuit dernière ici à Calgary. Il doit faire -7C aujourd'hui avec un beau soleil. Dans deux semaines on trouvera des températures proches de 30 degrés ou plus à Kathmandu. Mais plus haut dans l'Himalaya, on retrouvera le froid. Les prévisions météo pour le camp de base de l'Everest cette semaine annoncent -20C la nuit et -6C la journée. Pas de gros changements pour nous.

Il est très difficile de se préparer aux hautes altitudes auxquelles on va marcher, jusqu'à 5600m au sommet de la colline de Kalapattar, le plus haut point de ce trek. Et oui, là-bàs ils appellent ces sommets parmi les plus hauts du monde "collines"! Le risque du mal des montagnes due à l'altitude est bien réel et dangereux s'il n'est pas reconnu à temps. Le seul remède est un médicament appelé Diamox, qui peut avoir des effets secondaires sérieux. Il peut être pris en prevention 24 à 48 heures avant le début du trek. Après quelques recherches et après avoir parlé à notre docteur en médecines douces, nous avons pris, pendant trois semaines avant le départ, les vitamines suivantes pour aider notre corps à se préparer au taux d'oxygène réduit:

- Vitamine C 1000mg/jour
- Vitamine E 400IU/jour
- Acide Lipoique 600mg/jour

Le traitement perd de son effet au fur et à mesure que l'acclimatation prend le dessus. Il a été testé sur un groupe de 18 alpinistes sur l'Everest et a eu de bons résultats pour la plupart d'entres eux. On verra bien.

Nous sommes restés actifs durant cet hiver particulièrement froid. Skis de fond et marches en raquettes le weekend, et marches durant la semaine quelles que soient les températures, nous ont gardés en relativement bonne forme. Cela risquant de ne pas être suffisant pour profiter de ce trek au camp de base de l'Everest, nous avons aussi grimper les escaliers de tours de bureaux en ville quotidiennement, afin que notre coeur et nos jambes soient en parfaites condition. Encore une fois, on verra bien si cela sera suffisant.

Un aspect de la préparation qui a été difficile pour moi a été de décider quel matériel photo emmener. Pendant le trekking on sera limité à 10Kg par personne qui seront portés par un porteur (Sherpa est le nom d'un groupe ethnique) comprenant sac de couchage, vêtements de rechange, etc, plus ce que l'on veut porter soit même pendant la journée. L'électricité au Népal n'est pas très fiable, avec des coupures de 12 heures par jour à Katmandu, et seulement quelques heures de disponibilité dans les chalets le long du trek, rendant la recharge des batteries difficile. Donc voici la liste de ce que je vais enmener:

- Boitier Nikkon D80
- Nikon 18-70 comme objectif pricipal
- Nikon 70-300 VR pour les portraits à Katmandu, gros plans des sommets
- Nikon 50mm f1.8 pour les rues sombres, intérieurs
- Filtre polarisant (1)
- Filtre gris dégradé (1)
- Filtre gris (1)
- 2 batteries Nikkon (total of 3)
- 18 GB Sandisk Extreme III cartes mémoires (4x4GB + 1x2GB)
- Rain sleeve (protection pluie) pour boitier et objectif
- Lens pen
- Chargeur de batterie Nikon
- Télécommande à fil
- Cache objectif de rechange
- Petit appareil de rechange (film avec 2 pellicules)
- Trépied Manfrotto 718B
- 2 sacs photo Lowepro

Tout cela pèse environ 4 Kilos. J'ai décidé de ne pas emmener le zoom super grand-angle 12-24mm (trop lourd), ni mon trépied habituel Manfrotto avec la tête (trop lourd), ni tous les autres filtres et accessoires que je n'utilise pas assez souvent.

| Depart |

Nous avons pris un vol Calgary-Vancouver tard dans la journée, puis nous sommes montés à bord de l'avion pour Hong Kong pour un voyage de 14 heures. Nous sommes arrivés à Hong Kong à 7:00 du matin, puis on a pris le train express pour Kowloon. Le temps était couvert avec un peu de brume et des averses intermittentes. La température était agréable avec 20 degrés. On a visité le marché de jade, et les jardins de Kowloon. Nous sommes retournés à l'aéroport en milieu d'après midi pour prendre l'avion de Katmandu pour un vol de 5 heures trente. L'arrivée à Katmandu fut un choc culturel. On venait juste de rentrer dans le terminal et de changer notre argent et, pendant que l'on faisait la queue pour notre visa, l'électricité a été coupée et on s'est retrouvés dans le noir complet. Catty a cru que c'était tout préparé d'avance pour nous voler l'argent que l'on venait juste de changer! L'électricité a été rétablie rapidement et personne n'a essayé de nous voler. On a payé les frais, et récupéré nos passeports et nos visas. Un agent de Imaginative-Traveller (notre tour opérateur) nous attendait avec un chauffeur. La route jusqu'à l'hotel fût une expérience, entre les nids de poule des rues de Katmandu dans le noir, et les militaires armés aux intersections. On est tout de même arrivés sains et saufs à l'hotel, pris la clef de notre chambre, et on s'est écroulés de fatigue. On était fatigués mais on ne souffrait pas trop du décalage horaire. Je suppose que les comprimés de "No-jet-lag" que l'on a pris pendant le vol nous ont aidés.

| Jour 1 & 2 - Kathmandu |

Le premier matin à Katmandu nous avons pris le petit déjeuner dans le jardin de notre hôtel. Quel changement pour nous. Nous avons laissé le froid et la neige derrière nous, pour prendre le petit déjeuner dehors au milieu des arbres et des fleurs. On a passé le reste de la journée à visiter Durbar Square, à regarder les magazins le long de New Road, et à faire les petites rues marchandes de Asan Tole, et Tahiti Tole, et les magazins de matériel de montagne de Thamel. Avec 24 degrés, c'était agréable de se promener dans Kathmandu. A 18:00 nous avons fait la connaissance de notre guide ainsi que des autres membres du groupe.

Notre guide népalais, Santosh est un costaud de 40 ans qui parle parfaitement l'anglais, et qui a l'air sympatique. Il m'a aussi parû très professionel. Il nous a fait une présentation sur le trek, le matériel, les permits et les formalités, etc.

Les autres trekkers sont principalement du Royaume Uni:
Lynn a la cinquantaine, est mince et a l'air athlétique. Elle a fait le Kilimajaro, et a fait deux tours du monde.
Sian est la plus jeune du groupe et elle a l'air de quelqu'un de déterminé.
Bernie est grand et a l'air en forme. Il court tous les jours, et il fait souvent du VTT et du camping.
George est née en Angleterre et il habite maintenant sur l'ile de Vancouver, et il est fier d'être canadien. Il a pas mal voyagé, et il arrive directement d'un voyage en Inde. Il a la conversation facile et il donne l'impression qu'il ne va pas être triste.
Phil vient aussi d'Angleterre. Il est discret donc on ne sait pas grand chose de lui pour l'instant.
Ensuite il y a Catty et moi. Catty me parait particulièrement silencieuse pendant le briefing. Je suppose, que comme tout le monde, elle étudie les autres, se demandant où elle se place par rapport aux autres côté forme physique. J'ai toujours pensé que nos chances d'arriver au camp de base étaient aussi bonnes que celles des autres. Rien pour l'instant ne me pousse à changer d'avis. Personne dans le groupe n'est un super montagnard, et personne n'a non plus l'air de ne pas être à sa place et incapable. On verra bien lorsque l'on commencera à marcher.

L'age du groupe tourne entre 40 et 60 ans, quatre hommes, et trois femmes. Une fois que l'on commencera à marcher, on aura Santosh à l'arrière, pour s'assurer que tout le monde suit. Devant, nous auront Maila, notre Sherpa de tête, qui donnera le pas. Santosh a bien insisté que l'on ne doit pas dépasser Maila. Une fois que l'on arrivera plus haut en altitude vers le camp de base, un autre Sherpa nous rejoindra pour deux ou trois jours, au cas où quelqu'un doive faire demi-tour.

Après le meeting le groupe se sépare pour le reste de la soirée.

Le lendemain matin le groupe se retrouve après le petit déjeuner pour une visite guidée de Katmandu. On marche (mieux vaut s'y habituer) jusqu'à Swayambhunath, Durbar Square, et ensuite retour vers l'hôtel par les rues marchandes d'Asan Tole. Catty et moi prenons notre lunch au café New-Orleans, un petit café restaurant sympa avec une cour intérieure, et qui joue du jazz la plupart du temps. On mange notre premier daal-bhaat-tarkari (riz avec une soupe de lentilles et des légumes, le plat népalais numéro un), mieux vaut s'habituer à ça aussi. On essaie également les momos. Tout est très bon, je ne pense pas que la nourriture sera un problème. Nous prenons aussi un café espresso, fait avec du café du Népal, pas mauvais du tout.


| Jour 3 - Phakding 2600m |

Aujourd'hui commencent les choses sérieuses. On se lève à 4:30 pour retourner à l'aéroport et prendre le premier vol pour Lukla. A bord du Twin-Otter de 18 places de Yeti Airlines, on décolle à 7:00 précises pour le vol de 40 minutes. On vole le long des collines puis des montagnes de la chaine de l'Himalaya. Comme je suis assis derrière le co-pilote, j'essaie de voir la piste de Lukla devant nous mais je ne la vois pas. Tout d'un coup la voici. Pas vraiment devant mais plutôt en dessous de nous. La piste fait seulement 527m de long et 20m de large, avec une pente impressionante de 12%. L'atterrissage fait penser à un atterrissage sur porte-avion, approache haute, atterrissage ferme, et décélération rapide. Il n'y a pas d'approche instruments à Lukla et tous les vols sont à vue uniquement. C'est considéré comme l'un des aéroports les plus dangereux au monde. Les vols s'arrêtent à 11:00 du matin. Ensuite, les courants ascendants de la vallée et les nuages rendent l'aéroport inutilisable. Tout le monde est soulagé une fois sur le tarmac, et en voyant nos porteurs qui nous attendent.

Nous ne restons pas à Lukla. On va juste y prendre le lunch, ensuite on commence le trek en direction de Phakding. C'est une marche agréable dans un paysage verdoyant avec des arbres en fleurs. Au départ le chemin est large avec beaucoup de marches en pierre (encore quelque chose auquel il va falloir s'habituer). Ensuite le chemin rétrécit. On rencontre les premiers porteurs et villageois népalais. On réalise aussi rapidement que l'on est pas les seuls trekkers. Par moment c'est un flot constant de marcheurs dans les deux sens, ceux qui commencent (propres et bien rasés), et ceux qui reviennent (sales et qui sentent mauvais, et les hommes pas rasés depuis dix jours).

A Phakding, nous sommes logés a l'hôtel "Prince of Everest". Ne vous laissez pas avoir par le nom: c'est un chalet typique de l'Himalaya, extrêmement simple et tenu par une famille. La pièce principale est chauffée par un poêle à bois et a l'air sympa et comfortable, avec des meubles fait sur place à la main. Les chambres à l'étage sont mignonnes mais aussi très simples. Construites en contre-plaqué mince, avec le verre des fenêtres tenues contre le cadre avec des petits clous, elles ne sont pas chauffées, et la température pendant la nuit descend proche de zéro. Les lits sont aussi fait maison, étroits, mais confortables. Les lits sont tous pour une personne, pas qu'avec la température on ait envie de faire des folies!

Comme on est arrivé à Phakding pour midi, l'après-midi Catty et moi decidons d'aller faire un tour dans le coin. Bernie nous accompagne, et on grimpe jusqu'au monastère de Pema Choling. On y arrive juste quand il commence à pleuvoir. Dans l'Himalaya, le temps est souvent dégagé le matin, puis les nuages arrivent l'après-midi, amenant parfois pluie ou neige - ensuite le ciel se dégage à nouveau la nuit et le cycle recommence. Pendant que l'on tournait dans le monastère, un jeune homme est venu nous parler. C'était un jeune canadien de Toronto qui passe plusieurs mois au Népal, pour enseigner l'anglais aux moines. Il nous a ouvert le temple et j'en ai profité pour prendre quelques photos.

A cause de l'altitude, du trekking, et du froid, il est difficile de rester debout tard le soir. vers 21:00 on s'en va tous au chaud dans nos sacs de couchage. Ce soir là je me suis endormi tout de suite, mais je me suis réveillé vers 1:30. 4 heures 1/2 de sommeil suffiront pour me permettre de tenir la journée.


| Jour 4 & 5 - Namche Bazaar 3440m |

Aujourd'hui on commence vraiment la routine du trekking, debout à 6:00, petit déjeuner à 7:00, et dehors pour être prêt à marcher à 8:00. On n'en ressent pas encore vraiment le besoin mais on prend quand même un bon petit déjeuner avec des oeufs, du pain, des pommes de terre sautées, du jus d'orange chaud, et du thé au citron. Ca semble trop pour aujourd'hui, mais dans quelques jours on descendra tout ça et plus, avec grand appétit.

Aujourd'hui nous partons de 2600m pour monter à Namche Bazaar à 3440m. La difficulté de cette section est que le chemin ne fait que monter et descendre. On monte, puis on descend à la rivière que l'on traverse sur des ponts suspendus, puis on remonte, puis on redescend pour traverser la rivière, et ainsi de suite. En route on rentre dans le parc national de Sagamartha. Sagamartha c'est le nom népalais pour Everest (appelé Chomolungma en tibetain). Finalement, on attaque une montée raide de 440m depuis la rivière jusqu'à Namche, avec plein de marches de pierre, toutes de hauteur différente. On est tous content quand on arrive enfin à Namche Bazaar à 16:00, et on est contents d'en avoir fini avec le trekking pour aujourd'hui. Ca a été une longue journée. Plusieurs dans le groupe ont souffert dans la dernière montée, c'était notre premier test. Pour beaucoup c'est aussi la première fois au dessus de 3000m. Santosh nous a tous gardés bien ensemble, grâce aussi à Maila qui maintenait un pas facilement soutenable devant nous. Le message est clair: on reste tous ensemble, personne n'est laissé en arrière. Ca me donne la bonne impression que l'on est entre de bonnes mains avec Santosh et Maila, et qu'avec eux, nos chances d'atteindre notre but sont très bonnes.

Notre chalet ressemble beaucoup au précédent, avec une pièce principale chauffée, mais pas de chauffage dans les chambres. Il y a une douche chaude, l'électricité 24 heures sur 24 (très bien pour recharger les batteries), et une salle avec ordinateurs et connection internet dans le magazin d'à côté. Namche est un village charmant en demi-cercle contre des pentes abruptes.

On reste deux nuits à Namche pour commencer notre acclimatation. Cela ne veut pas dire que l'on se repose. Le lendemain, on est debout à 6:30 et Santosh nous enmène au musée au dessus du village, d'où l'on peut voir l'Everest pour la première fois au loin, derrière la paroie de Nuptse/Lotse. Plus proche on voit l'Ama Dablam (6850m), Kangtega (6650m), Thamserku (6608m), et d'autres sommets répartis autour de nous sur 270 degrés. C'est notre première vue des montagnes de l'Himalaya, et on commence à réellement se rendre compte de l'endroit où l'on est, et ce que l'on est en train d'accomplir.

Du musée on monte au dessus de Namche jusqu'à Syangboche à 3720m, et au dessus du terrain d'aviation où l'on s'arrête et se repose pendant une heure pour s'acclimater. La piste en terre de Syangboche est très courte et n'est plus utilisée par les avions car trop dangereuse. Il n'y a plus que les hélicoptères russes Mi-17m qui s'en servent.

On est de retour à Namche pour midi. On passe tous notre après-midi dans les rues à faire les magazins. Namche c'est le paradis des trekkers, avec plein de magazins d'équipements de montagne offrant toutes les marques possibles et imaginables, à des prix incroyables chez nous. Il est tout à fait possible d'acheter tout son matériel de trekking sur place. Il y a aussi plusieurs boulangeries sympas dans Namche, et on ne peut pas résister à un dessert et un espresso. Ai-je déjà parlé de notre appétit grandissant?

Pour l'instant Catty et moi nous nous sentons parfaitement bien. Lynn ne se sent pas très bien par contre, donc elle a commencé à prendre le Diamox. Elle sait qu'elle craint l'altitude, depuis son expérience au Kilimanjaro. Elle n'a pas l'air inquiète, elle a l'air bien déterminée à aller jusqu'au bout, et elle y arrivera sûrement.


| Jour 6 - Tengboche 3860m |

J'ai bien dormi la nuit dernière, six heures de sommeil profond. Je me suis levé tôt et je suis remonté au musée, en espérant avoir un beau lever de soleil sur l'Everest. J'ai marché plus vite étant tout seul et j'ai été surpris de m'éssouffler rapidement. Une courte montée, quelques escaliers, et j'étais à court de souffle, j'ai appris ma leçon. Malheureusement le soleil se lève en plein derrière le mont Everest en cette période de l'année, donc il n'y avait pas de photos à faire. La lumière était bien meilleure dans l'autre sens et j'ai fait une ou deux belles photos de Namche avec Kongde (6187m) derrière.

Aujourd'hui on va jusqu'à Tengboche. Encore une fois la partie difficile sera la montée de 400m après le lunch, depuis la rivière jusqu'à Tengboche à 3860m. De nouveau on traverse la rivière plusieurs fois, mais on est maintenant habitué aux ponts suspendus. On fait une pause à Kyangjuma pour un thé. Catty achète des bracelets, et des viennoiseries. Ensuite, en attendant le lunch, je descends à la rivière pour faire quelques photos. Pour le lunch je mange des pâtes chow mein cuites sur un poêle aux bouses de yak. Délicieux! Les nuages arrivent pendant le repas, puis le brouillard. On arrive à Tengboche dans la brume. Après avoir déposé nos affaires dans nos chambres, Santosh nous enmène au monastère pour assister aux prières du soir. Le village de Tengboche est bati autour du monastère. Je suis autorisé à utiliser mon trépied à l'intérieur du monastère et ça me permet de faire quelques images nettes de la cérémonie. Une fois que cela est terminé, en sortant du monastère, qu'est ce qu'on découvre? Une boulangerie avec une machine à café. Devinez donc où l'on passe l'heure suivante. Il n'y a pas de toilettes dans le chalet, ni de chauffage dans les chambres, mais il y a du bon café à Tengboche. On ne peut pas tout avoir. Et Dieu merci pour l'énergie solaire.

Pendant le diner, on a fait la connaissance d'un groupe de quatre trekkers qui parlaient français. Il se trouve qu'ils sont de Grenoble, notre ville natale. Ils voyageaient indépendement avec un guide local francophone, et ils avaient passé quatre cols à plus de 5000m, et certains d'entre eux avaient l'air morts. Ils étaient si fatigués qu'ils n'avaient pas pu aller jusqu'au camp de base, même leur guide n'avait pas voulu y aller. Une des femmes du groupe était toute enflée par l'altitude, et même avec le Diamox, elle avait l'air de quelqu'un qui avait besoin de redescendre et vite. Ils étaient sur le chemin de la descente le lendemain matin. A cette altitude, c'est facile d'en faire trop et d'avoir des ennuis.


| Jour 7 & 8 - Dingboche 4300m |

C'était toujours couvert ce matin et j'ai seulement pu faire une photo du village à l'aube, pas de lever de soleil sur les sommets. Le temps s'est dégagé plus tard et on a eu de belles vues sur Ama Dablam. On a pris le lunch à Orsho à 4100m. Nous sommes maintenat à plus de 4000m et Maila maintient un pas régulier. Aujourd'hui le chemin est agréable avec peu de montées et descentes, principalement une montée constante. On arrive à Dinboche à 15:00.

4300m et pour l'instant tout va bien. Catty et moi nous nous sentons vraiment bien, pas de difficulté respiratoire, pas de nuit blanche, pas de courbatures dans les jambes, comme si on avait fait ça toute notre vie. On touche du bois en espérant que ça continuera comme ça jusqu'à 5550m. Mais il y a encore du chemin à faire et il est trop tôt pour crier victoire.

Bien que je prenne des notes tous les jours, je réalise que j'ai perdu toute notion du temps. J'écris la date dans mon journal mais ça ne veut rien dire pour moi. Qu'est ce que c'est qu'un mercredi ou un vendredi, et quelle différence ça fait? La vie ici est simple. Il n'y a pas de télévision ou de radio, ou de journal. Les nouvelles du monde ne sont pas nécessaires et n'auraient aucun sens de toute façon. On se lève, on déjeune, et on marche toute la journée. On rencontre des gens sympas qui sourient, même s'ils ne parlent pas anglais. On voit des paysages magnifiques. On s'arrête, on mange, et on va se coucher. Et on recommence le lendemain. On a tout ce qu'il nous faut: un toit la nuit, à boire et à manger, une bonne companie, et de belles vues. Tout le reste parait superflu. On a l'impression que l'on pourrait continuer comme ça éternellement. Marcher huit heures par jour ne semble pas si difficile ici. Chaque jour est nouveau et en même temps semblable à la veille. L'esprit est dégagé de toutes les distractions et de tous les bruits de la vie moderne, qui empèchent d'être vraiment heureux. Ici il n'y a que paix et silence. Ici on ne pense à rien, on existe.

La vie d'un trekker est simple. On ne compte pas les heures que l'on marche dans une journée. Quand notre Sherpa dit "zoom, zoom" on démarre. Quand il s'arrête, on s'arrête. Quand il marche, on marche derrière en file indienne, chacun les yeux fixés sur les chaussures de celui de devant. On n'est pas tellement différents des djopkes et des yaks que l'on croisent sur les chemins en permanence. On est une sorte de troupeau humain, discipliné et attentif aux commandes de notre guide. Toutes les deux heures à peu près, on s'arrête pour prendre un thé, le lunch, ou faire une pause. Il y a des hameaux, des maisons de thé, et des arrêts le long des chemins tout le temps. Si quelqu'un veut s'arrêter faire une photo (généralement moi ou Sian), tout le groupe s'arrête et attend. Bien que j'ai remarqué que parfois, maintenant Santosh me laisse tout seul en arrière, sachant que je ferai vite et que je ratrapperai le reste du groupe rapidement.

Bernie, Catty, et moi partons encore une fois ensemble marcher au dessus de Dingboche, jusqu'au stupa que l'on a vu en arrivant. C'est seulement 100m au dessus du village, mais on sent bien que l'on est à plus de 4000m, chaque centaine de mètres supplémentaire se fait sentir. Notre effort est bien récompensé, on a des vues magnifiques de l'Ama Dablam à travers les nuages. Je ne peux pas m'empécher de faire photo après photo.

Après diner, Santosh nous dit que si la nuit est claire, on peut sortir voir les sommets sur le ciel étoilé. Catty et moi sommes les seuls dehors derrière le chalet, pas seulement pour regarder mais aussi pour faire des photos de nuit du ciel de l'Himalaya. Il fait froid, mais c'est splendide.

Pour la première fois, Catty et moi faisons l'expérience de quelques irrégularités respiratoires pendant la nuit. On dirait que juste de se tourner dans son sac de couchage demande un effort et un surcroit d'oxygène, une drôle de sensation. Malgrè cela nous dormons bien la meilleure partie de la nuit.

Je me suis encore levé de bonne heure ce matin pour retourner jusqu'au stupa au dessus du village, juste à temps pour le lever de soleil. Il y avait des vues magnifiques du soleil qui touchait juste le sommet de l'Ama Dablam, Kangtega, Thamserku, et Taboche Peak (6367m) derrière moi. Ensuite toute la vallée a été baignée de lumière, et quelle vue époustouflante: pas un seul nuage, et le ciel vers l'ouest d'un bleu profond comme je n'en avais encore jamais vu. Ceux qui sont restés au lit ne savent pas ce qu'ils ont manqué.

Aujourd'hui est une autre journée d'acclimatation. On en a fait une à 3440m à Namche Bazaar, et puis celle ci à 4410m, donc tous les mille mètres. Santosh nous emmène sur une arête au dessus du stupa à 4800m. C'est seulement 400m au dessus de Dingboche mais on va tous les sentir car c'est une montée raide et sans répit. Le risque du mal des montagnes est maintenant bien réel et Maila maintient son pas lent et régulier. Catty et moi sommes juste derrière lui tout le long, avec Bernie. C'est une sacrée grimpette mais pour nous ça ne parait pas tellement plus difficile que certaines que l'on a fait dans les rocheuses. Le pas lent de Maila nous empèche d'aller trop vite et de nous fatiguer. Quand on arrive au sommet, la plupart sont éssouflés. Je me sens bien, appréciant chaque minute. Dommage que l'on ai pas poussé jusqu'à 5000m, mais Santosh sait ce qu'il fait et je suis sûr qu'il veut tout le monde présent au camp de base le surlendemain. La descente jusqu'à Dingboche nous donne un aperçu de ce que ça va être de redescendre à Lukla dans quelques jours. Je n'ai pas hâte la descente car on couvrira toute la distance en seulement trois jours, et je crains que mes genoux n'apprécient pas.

On a l'après-midi libre à Dingboche. Une fois de plus Bernie, Catty, et moi partons faire une ballade dans les alentours. Nous partons en direction de Chhukhung, le village au bout de la vallée. C'est aussi le chemin vers le camp de base de Island Peak, un sommet à 6189m (une idée pour la prochaine fois?). Je m'arrête à la rivière et je laisse Bernie et Catty continuer un bout sans moi. Je veux faire des photos des porteurs qui passent sur le chemin. Au retour je photographie des yaks dans un troupeau. Je fais aussi quelques photos des gens qui travaillent dans les champs.


| Jour 9 - Lobuche 4900m |

Ce matin on a pris le petit déjeuner dehors, au soleil, à 4400m, quel plaisir. J'ai passé une très bonne nuit, j'ai dormi comme un bébé, ma meilleure nuit depuis notre arrivée au Népal. Je ne suis pas allé faire de photos ce matin.

Aujourd'hui devrait être assez facile jusqu'à Lobuche. Un autre Sherpa va se joindre à nous, au cas où l'un d'entre nous doive redescendre en urgence à cause du mal des montagnes. Maila a avec lui un caisson hyperbare mais redescendre reste toujours la meilleure solution. Le caisson hyperbare est un sac étanche où l'on met la personne affectée. Ensuite on augmente la pression interne avec une pompe à pied pour simuler une augmentation de pression équivalente à une baisse d'altitude.

Nous buvons maintenant plus d'eau, deux à trois litres par jour, plus le thé et les soupes. Catty se contente de deux litres, mais moi il me faut définitivement trois litres pour éviter les maux de tête. On mange aussi beaucoup plus. On a tellement d'appétit que l'on dévore le petit déjeuné,le lunch, et le diner comme si on n'avait pas mangé depuis des jours. Les études montrent qu'à cette altitude on peut brûler jusqu'à 6000 calories par jour, soit trois fois la moyenne normale. A l'omelette, au pain, aux chapatis, aux confitures du matin, à l'assiette pleine de daal bhaat au lunch et au diner, on a rajouté la tarte aux pommes au dessert. Elles sont faites maison, comme des beignets, avec de la pomme rapée à l'intérieur. Elles sont de bonne taille et délicieuses. On mange aussi des barres de chocolat et de fruits entre les repas. Il nous faut des sucres rapides en permanence en marchant, et il semble que pas grand chose ne s'accumule dans notre organisme. Tout est brûlé tout de suite. En fait, bien que l'on ait mangé beaucoup plus que d'habitude, on a quand même perdu du poids pendant ce trek.

En chemin ce matin, on a des vues magnifiques sur le village de Pheriche en contrebas, et au dessus de nous Taboche Peak et Cholatse à 6335m (que j'ai rebaptisé Chocolatse pour Catty). On prend notre lunch à Duhgla à 4620m. Encore une fois on s'arrête au pied d'une méchante colline de 350m, la journée tranquille sera pour une autre fois.

Au sommet de la colline, on arrive aux monuments commémoratifs pour ceux qui sont morts en tentant le sommet de l'Everest. Je savais qu'on allait y passer mais j'avais oublié. Santosh s'est arrêté pour nous laisser le temps de regarder, de lire les noms, certains bien connus, d'autres unconnus pour nous. J'ai photographié le monument de Scott Fisher qui est mort sur l'Everest durant la tempête de 1996. Je venais juste de relire "Into thin air" avant le départ, et l'histoire était fraîche dans mon esprit. En marchant entre ces monuments, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à tous ces gens qui risquent et perdent leur vie à la poursuite d'un rêve, et à tous ceux qui perdent la leur en aidant les autres à réaliser leur rêve. Est-ce que c'est mieux de vivre son rêve et peut être en perdre sa vie, ou est-ce que c'est mieux de rêver de quelque chose que l'on ne fera jamais? Ma réponse est évidente puisque que je suis là au milieu de ces monuments. Je ne peux pas retenir les larmes en pensant à tous ceux qui sont passés par ici, en route vers leur rêve, en route vers le toit du monde. En route vers leur fin.

Ces monuments nous rapellent aussi que beaucoup sont morts en faisant un travail. De nombreux porteurs et Sherpas meurent chaque année sur l'Everest, de nombreux Sherpas ont atteint le sommet de l'Everest de nombreuses fois, mais on entend rarement parler d'eux en occident. Les grimpeurs receuillent toute la gloire parce qu'ils viennent de loin pour conquérir la montagne, mais ils ne pourraient pas y arriver sans l'aide de ces gens de la région qui risquent leur vie aussi. Voici une courte liste des accomplissements de certains Sherpas:
Apa Sherpa a atteind le sommet du mont Everest 17 fois -- plus que n'importe qui au monde.
Babu Chhiri Sherpa a campé au sommet de l'Everest pendant 21 heures sans oxygène.
Lhakpa Gelu Sherpa détient le record du monde de l'ascention la plus rapide du mont Everest en 10 heures, 56 minutes et 46 secondes.
Ming Kipa Sherpa est le plus jeune à avoir atteint le sommet lorsqu'il avait 15 ans.

En chemin vers Lobuche on a des vues superbes sur Pumori (7165m) pour la première fois. J'ai fait quelques photos des tentes au camp de base de Lobuche East (6119m) avec Pumori en arrière plan. Santosh nous a expliqué que Lobuche East sert souvent comme sommet d'entrainement pour ceux qui veulent faire l'Everest. Une fois à Lobuche (4910m), Santosh nous emmène faire une courte marche d'acclimatation sur une arrête le long du glacier Khumbu. Pour la première fois on est à plus de 5000m. Malheureusement le temps est couvert et la vue est bouchée. Malgrè tout, c'est quand même sympa de voir le glacier et finalement le camp de base de l'Everest, à peu de distance. En même temps on ressent tous une certaine tristesse. On se rapproche du but, ainsi que du moment où l'on va faire demi-tour, et rentrer.

5000m et tout va bien, pas fatigués, pas de mal des montagnes, pas d'ampoules, juste pour moi un vague mal de tête qui va et qui vient, mais rien de sérieux. Si ça continue après diner, je prendrai un cachet d'aspirine. Pour l'instant on n'a pas pris de Diamox et on fera de notre mieux pour ne pas en prendre, bien que l'on soit prêts à le prendre si nécessaire. Comme d'habitude on commande notre diner vers 17:00 pour donner assez de temps aux cuisiniers pour préparer le repas pour 19:00. On commande aussi le petit déjeuner en même temps. Les cuisines sont équipées de plusieurs réchauds de camping au fuel et il faut un certain temps pour cuisiner pour tous les trekkers. Les prix sont nettement plus élevés à cette altitude. Un plat de nouilles frites coutent environ CA$6.00, au moins le double de ce que l'on paie plus bas. Chaque fois que l'on croise un porteur en chemin, on sait que ça peut être un de nos prochains repas qu'il porte sur son dos, et on paie le prix de la nourriture avec plaisir.

Le chalet est comfortable, avec une pièce commune chauffée par un poèle à la bouse de yak. Comme il n'y a plus d'arbres à cette altitude, il n'y a plus non plus de bois de chauffage. Le chalet a des panneaux solaires et l'électricité dans les chambres, grâce à des ampoules fluorescentes basse consommation. Les toilettes à l'intérieur sont plus dégoutantes et je préferre utiliser celles de l'extérieur.

| Jour 10 - Mt Everest Base Camp 5300m |

J'ai bien dormi la nuit dernière malgrè l'altitude. Aujourd'hui c'est le grand jour: Gorak Shep à 5125m et le camp de base de l'Everest à 5364m. Ce n'est pas le point le plus haut du trek, mais le plus symbolique puisqu'on sera le plus près possible de la plus haute montagne au monde. Catty et moi nous sentons bien et confiants de pouvoir y arriver. Tous les autres dans notre groupe prennent maintenant du Diamox, sauf George et nous deux. On attaque de bonne heure la marche vers Gorak Shep où l'on prendra un lunch rapide, pour ensuite continuer vers le camp de base, et retour à Gorak Shep. Ca va être une longue journée car on avance relativement lentement à cette altitude. Il est d'ailleurs possible que l'on rentre à Gorak Shep à la nuit. On a avec nous tous nos vêtements chauds, car on ne peut pas prendre le risque de se trouver pris dans du mauvais temps sans protection suffisante.

En montant on peut voir Kalla Pattar, que l'on grimpera demain jusqu'à 5550m pour avoir de belles vues sur le mont Everest. La montagne reste invisible pour l'instant, on aperçoit à peine le sommet derrière la barrière de Nupse et Lotse. Par contre Pumori domine le paysage tout le long, un sommet blanc sur le ciel bleu. Hier le camp de base paraissait proche, vu de l'arête au dessus de Lobuche, il n'est plus aussi proche aujourd'hui, et le chemin n'a plus l'air aussi plat que l'on croyait en le voyant de loin. On est tous surpris de toutes les montées et descentes que l'on rencontre en chemin. De plus le terrain est difficile, le long de la moraine du glacier Khumbu. Ce n'est que des cailloux et rochers qu'il faut franchir et contourner. La vue est par contre magnifique, aucune photo ne peut lui rendre justice. Malheureusement, les nuages arrivent dans l'après-midi et nous cachent les sommets.

Il y a pas mal de monde sur le sentier, beaucoup de trekkers, et beaucoup de porteurs qui montent du ravitaillement aux expéditions au camp de base. On croise aussi tous les porteurs qui descendent les ordures que produit toute cette activité humaine là-haut. Certains porteurs transportent des tonneaux pleins d'excréments humains, quel boulot, mais il faut bien que quelqu'un le fasse. L'Everest n'est plus la poubelle d'antan, bien qu'il reste encore beaucoup à faire. Ce n'est pas facile vu le nombre de trekkers qui viennent dans la région du Khumbu chaque saison. Bien que, du à la recession mondiale, le nombre de visiteurs ait bien diminué cette année, par moment j'ai l'impression de faire partie d'une invasion. On dirait que chaque jour, le nombre de visiteurs qui traversent chaque village est plus important que le nombre de villageois. Derrière nous on laisse des bouteilles en plastique, des papiers d'emballage, et toute sortes de detritus dont les villageois doivent se débarrasser d'une façon ou d'une autre. La seule manière de s'en débarraser, c'est d'y descendre à dos d'homme. Et cela ne se fait pas encore le long des chemins de trekking. Donc en dehors de chaque village, généralement le long de la rivière, il y a une vilaine décharge.

On arrive finalement au monument couvert de drapeaux de prière, qui indique la fin de notre chemin et notre but: le camp de base du mont Everest. Nous ne sommes pas seuls, d'autres groupes apprécient ce moment et prennent des photos. Lynn prend du Diamox depuis Namche Bazaar, et ne se sent pas super bien. Aujourd'hui elle a souffert et n'avait pas l'air bien jusqu'à ce qu'elle arrive ici. Sian n'allait pas trop mal mais elle a l'air fatigué. Catty était à l'avant, juste derrière Maila en permanence. Je ne l'avais jamais vue si remontée. On se félicite mutuellement, et on remercie nos Sherpas de nous avoir aidé à atteindre notre but.

J'avais amené une banière pour cette occasion, et Catty et moi la déployons pour faire une photo. On a réussi, et on a réussi ensemble. Nous sommes mariés depuis 25 ans et on a fait pas mal de choses ensemble durant ces années. On a l'impression que maintenant il n'y a rien que l'on ne puisse pas faire tous les deux. C'est difficile de profiter de ce moment dans l'intimité, avec tout ce monde autour de nous. On se fait un petit bisou et on fait la photo. Maintenant que l'appareil photo est sur son trépied, on fait une ou deux photos de groupe avec la banière. Tout le monde pense que la banière était une bonne idée, à tel point que nous la prêtons à d'autres groupes pour leurs photos.

J'avais révé de ce moment depuis des années, maintenant que je suis là, je ne sais pas ce que je ressens. D'ici L'Everest n'est pas visible, et son sommet se tient plus de 3000m plus haut. C'est une réussite que d'être arrivé jusqu'ici, mais ça parait bien peu en comparaison de l'effort qu'il resterait à fournir pour atteindre le toit du monde. Je peux comprendre la tentation de tenter le sommet, j'ai l'impression de faire demi-tour à mi-chermin.

On rentre à Gorak Shep dans une tourmente de neige. On est tous crevé après cette longue journée. On a mangé seulement un petit lunch à midi, soupe Sherpa pour moi, et je manquais de calories pour revenir du camp de base. J'ai mangé plusieurs barres de chocolat et de fruits en montant, mais cette après-midi je ne pouvais plus les voir et je n'ai pas mangé assez. En plus mon sac-à-dos me faisait mal aux épaules. Il fait seulement 4.5 degrés dans notre chambre, et c'est seulement la fin de l'après-midi. La pièce commune est chaude et on est tous contents de s'assoir et de commander notre diner. Il y a beaucoup de monde et il faudra attendre deux heures avant d'être servi. J'ai hâte de manger mon daal-bhaat. La neige tombe bien et je fais des photos des yaks dans la tourmente depuis la fenêtre de notre chambre. Ca va être encore plus difficile de grimper Kalla Pattar demain avec la neige. J'espère qu'on y arrivera quand même. Le camp de base de l'Everest était notre but et notre motivation depuis le début. Maintenant que l'on en est revenu, il y a une certaine baisse de motivation. Demain, Kalla Pattar sera notre dernier défi, après on commence la longue descente de retour.

Ce soir on est tous dans nos sacs de couchage vers 20:30. C'est la première fois que l'on dort à plus de 5000m. Catty et moi allons toujours bien sans Diamox. On va voir comment on va dormir cette nuit. On est tellement fatigué qu'on n'a pas besoin de compter les yaks pour s'endormir. Demain soir on sera à Pheriche à 4240m et on se sentira mieux.


| Jour 11 - Kalapattar 5600m |

Il fait seulement 2 degrés dans notre chambre ce matin. Il est 5:30 et il faut faire nos sacs, déjeuner, et être prêts pour partir à 6:30. D'autres sont déjà sur le chemin. Je peux voir leurs lampes frontales en file indienne, au pied de Kalla Pattar, par la fenêtre du chalet. Il s'est arrèté de neiger pendant la nuit et le ciel a l'air dégagé. Par contre la cuisine est vide et dans le noir. Bien que l'on ait commandé le petit déjeuner hier soir, les cuisiniers ne sont pas réveillés. Je ne peux pas m'empécher de penser au soleil qui va bientôt se lever sur Kalla Pattar et nous qui attendons notre petit déjeuner.

Finallement le petit déjeuner est prêt et avalé, et on se retrouve dehors, prèts à partir. Sian a decidé qu'elle avait besoin de se reposer et donc de ne pas venir faire Kalla Pattar. J'admire sa force de caractère pour faire le choix intelligent, si près du but. Santosh va rester avec elle et nous attendre. On a toujours Maila pour nous guider et le nouveau Sherpa Puri, à l'arrière.

Kalla Pattar est une grimpette de 450m dès passée la porte du chalet. Aucune chance de s'échauffer. Ca devrait nous prendre à peu près deux heures pour atteindre le sommet, ensuite une heure pour redescendre. Ensuite on descend à Pheriche.

Il y a environ 10 à 15 cm de neige fraiche sur le sentier et il fait très froid. On sent tous le froid à travers nos gants. On avance doucement mais on ne s'arrête pas. Après un moment, le soleil sort et on a trop chaud, il faut qu'on s'arrête pour enlever une ou deux couches. La vue est fantastique, maintenant qu'il fait soleil. Tout est sous une couverture de neige fraiche d'un blanc immaculé. Pumori brille sur le ciel bleu, droit devant nous. Sur la droite se tiennent si proche que l'on pourrait les toucher: Nuptse, Lotse, Khunbutse, et l'Everest qui apparait doucement, et de plus en plus visible, à gauche de Nuptse.

Comme promis, on atteint tous le sommet de Kalla Pattar, en deux heures. Et on est seuls, à 5550m! Les autres groupes ont déjà commencé à redescendre, et on a donc le sommet pour nous tout seul. Encore une fois Santosh avait raison de prévoir un départ plus tardif. La vue d'ici est à couper le souffle, tout au tour de nous sur 360 degrés. La neige sur le fond de ciel bleu produit un effet magique. On se prend mutuellement en photo mais il est difficile de faire des photos de groupe, car le sommet est très étroit. C'est facile de perdre la notion du temps, mais on a du rester une petite heure.

A regret, on commence la descente. On fait une petite pause à Gorak Shep, puis on se dirige vers Lobuche où l'on prend le lunch. Cet après midi, on a encore trois heures de marche pour aller à Pheriche.

Maintenant que les objectifs ont été atteint, je sens mon énergie qui diminue un peu. On a aussi beaucoup marché tous les jours, et peut être que je commence à ressentir la fatigue. En tout cas, Catty et moi sommes les seuls qui se sont senti à 100% de notre forme à Gorak Shep à 5100m, au camp de base, et à Kalla Pattar. Et, avec George, on a été les seuls de notre groupe à ne pas prendre de Diamox. En plus, avec tout les trekkers qui éternuent et qui toussent dans les chalets, c'est surprenant que l'on ait rien attrapé. Je suis sûr que les vitamines que l'on a pris avant et pendant le voyage nous ont aidé à rester en bonne forme, et nous ont aussi aidé à éviter le Diamox.


| Jour 12 - Namche Bazaar |

On se lève avec encore une longue journée devant nous. Avant de quitter Pheriche, on visite l'hôpital où l'on traite le mal des montagnes. Ensuite commence la longue marche vers Tengboche que l'on devrait atteindre vers midi, puis vers Namche Bazaar. En route on croise un jeune d'une quinzaine d'années qui descend en courant en nus-pieds, avec cinq plaques de contre-plaqué ficelées sur le dos. On a vu des porteurs avec des longueurs de tuyaux acier de 30cm de diamètre et de 2,40m de long. Je ne crois pas que je pourrais en soulever une, mais ces gens les portent sur des kilomètres sur les chemins de montagnes. Ils portent le bois pour faire les cadres de portes, les fenêtres, les poutres, des pierres, des tôles ondulées pour les toitures, et plein d'autres choses.

Le chemin n'est pas une descente continue, mais une succession sans fin de montées et descentes. A la fin, derrière chaque virage on espère voir Namche Bazaar, et derrière chaque virage, on découvre une autre longeur de sentier poussièreux, avec encore des marches, et plus loin, un autre virage. C'est avec beaucoup de soulagement que l'on dépose enfin nos sacs-à-dos dans le chalet à Namche Bazaar ... et que l'on part faire du shopping!


| Jour 13 - Phakding |

Ce matin on se lève de bonne heure pour faire encore un peu de shopping dans Namche Bazaar. Ensuite nous prenons le petit déjeuner à la boulangerie avec un café. Autour de 10:00 on attaque la descente raide en dessous de Namche jusqu'au pont suspendu. Quand on arrive à Phakding, il pleut déjà depuis un bon moment. C'est la première fois que l'on a la pluie et ce n'est pas désagréable. Dès que l'on arrive au chalet, je dépose mon matériel et je repars immédiatement pour faire quelques photos avant que la pluie ne s'arrête. La soirée nous parait chaude ici avec une température de +10 degrés, comparée au froid que nous avions plus haut.

| Jour 14 - Lukla |

Aujourd'hui est une journée facile, avec une relativement courte marche vers Lukla. On prend tout notre temps, car on ne veut pas repartir. On s'arrête souvent dans les villages, on parle aux gens, on pose plein de questions à Santosh, et on prend plein de photos. Avant de rentrer dans le chalet de Lukla, on prend quelques photos des hommes pas rasés depuis maintenant dix jours, ainsi que du groupe au complet avec nos Sherpas et porteurs. Les porteurs sont invisibles la plupart du temps. Tous les matins, on devait préparer nos sacs pour les porteurs avant le petit déjeuner, de manière à ce qu'ils puissent partir tôt et marcher à leur propre rythme. On retrouvait nos sacs à la porte de notre chambre chaque après-midi quand on arrivait au chalet suivant. On apercevait parfois rapidement nos porteurs le matin avant qu'ils partent, ou parfois par une porte entre-ouverte dans un des chalets, pendant qu'ils prenaient leur repas. Les porteurs et Sherpas ne mangent pas avec nous, toujours séparément.

Ce soir, c'est different. On prend le diner tous ensemble. Nous leur offrons un repas spécial avec de la viande, car ils en mangent rarement. Maila refuse la viande et préfère s'en tenir au daal bhaat. A la fin du repas nous les remercions de leur dur travail, et on leur donne leurs pourboires, ainsi qu'à Maila et à Santosh. Il y a un petit orchestre folklorique qui joue de la musique népalaise traditionnelle, et les porteurs viennent nous chercher pour danser. On passe tous une super soirée à faire la fête, et il va être difficile de continuer sans eux. Malgrès une vie rude, ces gens sont toujours serviables, souriants, et amicaux. Ils vont nous manquer.


| Jour 15, 16, ... - Kathmandu |

Ce matin, nous sommes sur le premier vol au départ de Lukla et, encore une fois, le ciel est dégagé. Je prens quelques dernières photos du soleil qui se lève sur les montagnes, en attendant le départ. A l'aéroport Maila nous surprend en nous offrant à chacun, le foulard de soie traditionnel népalais. Il a été tellement gentil avec nous tout le long de ce trek, toujours attentif à nos besoins, que l'on est tous émus lorsqu'on lui fait nos adieux. Maila ne redescend pas à Kathmandu avec nous, mais il reste à Lukla où il attend le prochain groupe qui arrive dans quelques jours.

On a une drôle de sensation lorsque le premier avion arrive de la vallée, et que l'on regarde passer à côté de nous ces trekkers tout frais, les yeux pleins d'anticipation, prêts à affonter les chemins. Nous sommes allés où ils vont, notre rêve maintenant une collection de souvenirs.






| Phrases célèbres (ou qui méritent de l'être!) |

(Traduction de l'anglais par Philippe Widling)

Parce qu'il est là. — George Mallory (1886-1924), en réponse à la question: 'Pourquoi voulez-vous conquérir le mont Everest?

La première question que vous allez poser et à laquelle il faut que je trouve une réponse est celle-ci, "Quel est l'intérêt de conquérir le mont Everest?" et ma réponse est tout de suite, "C'est sans intérêt" Il n'y a pas le moindre espoir de gain quelconque. Oh, on pourrait bien apprendre quelque chose sur le comportement du corps humain à haute altitude, et peut-être que les hommes de la médecine pourraient convertir nos observations en connaissances utiles à l'aviation. Mais autrement, rien n'en resortira. Nous ne ramènerons pas le moindre morceau d'or ou d'argent, pas de pierre précieuse, ni de fer ni de charbon. Nous n'y trouverons pas le moindre carré de terre où y planter de quoi produire de la nourriture. C'est inutile. Donc, si vous ne pouvez pas comprendre qu'il y a en l'homme quelque chose qui répond au défi de cette montagne, et qui le pousse à aller à sa rencontre, que la lutte est la lutte de la vie elle-même vers le haut et pour toujours vers le haut, alors vous ne pouvez pas voir pourquoi nous y allons. Ce que l'on tire de cette aventure c'est de la joie pure. Et la joie c'est, après tout, le but de la vie. On ne vit pas pour manger et gagner de l'argent. On mange et on gagne de l'argent pour pouvoir apprécier la vie. C'est ce que la vie veut dire et c'est à cela que sert la vie.
George Leigh Mallory, 1922

Tous les hommes rêvent, mais pas de façon égale. Ceux qui rêvent la nuit, dans les profondeurs poussièreuses de leurs esprits, se réveillent le matin pour se rendre compte que c'était de la vanité. Mais les rêveurs de jour sont des hommes dangereux, car ils peuvent vivre leurs rêves les yeux ouverts pour en faire une réalité.
T.E. Lawrence

L'Everest pour moi, et je crois pour le monde, c'est la manifestation symbolique et physique qu'il est possible de vaincre le destin et de réaliser un rêve.
Tom Whittaker

La lenteur est sans importance, du moment que vous ne vous arrêtez pas.
Confucius

"Pisser à travers 15 cm de vêtements avec un pénis de 7 cm" - Conquérant anonyme de l'Everest lorsqu'on lui a demandé ce qui avait été le plus difficile dans l'asçension de l'Everest.


| Fin |

J'espère que vous aurez trouvé ce journal intéressant à lire. Pour ceux qui prévoient un voyage similaire dans l'Himalaya, j'espère que vous aurez trouvé des informations utiles à vos propres préparatifs.

Namaste.

Philippe.



 Liens utiles:

    Carte: népal
    Carte: Vallée de Katmandu
    Carte: Kathmandu
    Carte: Parcours du trek de l'Everest
    Prévisions météo Namche Bazaar
    Prévention du mal des montagnes
    Article sur le Diamox
    Eating for Everest (Excellent article de l'organisation "Peak Freaks" sur la nutrition)

    

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